• L'homme nouveau

      

    L’homme nouveau est en fait déjà très ancien, mais il est recouvert, refoulé, embryonnaire en chacun d’entre nous. Chacun a spontanément le sentiment que le monde est complexe, qu’il comporte de l’incertitude ; même le croyant le plus assuré n’a pu détruire en lui une zone de doute quant à la certitude de son salut personnel ou de l’existence de son Dieu.

    Chacun d’entre nous sait que la morale est ambivalente, et que, comme le dit une sagesse commune « l’enfer est pavé de bonnes intentions » et qu’à l’inverse, bien des mauvaises actions conduisent indirectement et inconsciemment au paradis. Seuls quelques militants fanatiques et auto-intoxiqués croient à la lettre les propos de leurs chefs charismatiques et de leurs guides politiques.

    De plus, chacun de nous sait désormais que l’homme n’est plus au centre du monde mais est un être périphérique des lointains, que l’homme ne bénéficie pas d’une création privilégiée dans la nature mais qu’il est fils d’une évolution biologique, elle-même fille d’une fabuleuse histoire cosmique de la matière physique.

    Chacun sait que la vérité d’un côté des Pyrénées est erreur au-delà. Chacun sait qu’il doit vivre avec le cancer de sa propre mort. Mais cela est sans cesse refoulé, oublié, par les croyances euphoriques, les drogues intellectuelles ou idéologiques, ou tout simplement la vie sans pensée au jour le jour. Alors il ne s’agit pas d’inventer un homme nouveau, il s’agit de libérer des possibilités de conscience et d’intelligence inhérentes en chacun.

      

    L'homme nouveau


    Il faut certes expressément affronter la tragédie de l’existence. Ainsi, si l’on affronte l’idée de la mort, on ne saurait la liquider, la vaincre. Il n’y a pas de réponse à la mort. Mais il y a des ripostes qui sont dans l’intensité de la vie, de la curiosité, de l’amour, de la recherche.

    Sans l’intensité du vouloir vivre, le néant flétrirait chaque instant de la vie.

    Le vouloir vivre fait reculer l’horizon du néant. Mais je ne vois nulle liquidation possible du néant sinon, comme le disait à sa façon Hegel, par la liquidation de l’être lui-même.

    Il nous fait convivre avec l’Angoisse désormais. C’est à dire ni éviter l’angoisse par l’euphorisant ni être submergé par l’angoisse. Comment ne pas être submergé par l’angoisse ?


    Edgard Morin


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